jeudi 1 juin 2023

À L'auberge du Cheval Blanc

  BONJOUR,

Le garde champêtre FRIDEFONT de LORMONT à qui on vient de déclarer la découverte d'un corps par un représentant de commerce s'est avancé sur le chemin inégal, sinueux, très étroit et très difficile à gravir qui part de la rivière au coteau : le Rouquet. 

Le jour du procès 8 mois plus tard, il racontera la découverte d'une victime ce matin d'Octobre 1875.. ..." le cadavre d'un jeune homme assez robuste d'environ 18-20 ans est étendu au milieu, la tête vers le bas reposant sur la joue droite baigne dans une mare de sang qui s'écoule encore dans la rigole et qui semble provenir de la large blessure du cou, les jambes étendues et les pieds vers le haut du chemin, le ventre touchant la terre, son bras droit est étendu, la main à 30 cm environ du corps enserre fermement un parapluie fermé. Son bras gauche est ployé à angle droit, sa main gauche est cachée sous son corps, ses doigts sont crispés sur un cigare fumé de moitié. Il a plu toute la nuit ce 28 octobre 1875 et les vêtements ne sont pas mouillés." 

Le 29 octobre 1875, au petit matin, c'est le corps de Charles Jean Baptiste MÉRY, un jeune homme de 18 ans, serrurier, qui vient d'être trouvé sur ce chemin du ROUQUET, par un représentant de commerce. 

Le jeune homme est originaire de JONZAC en Charente Inférieure (maritime)  C'est ce que dit le carnet trouvé sur le cadavre ; voulant profiter de la foire d'Octobre de BORDEAUX qu'il ne connaissait pas, il avait pris le train deux jours plus tôt pour s'y rendre. C'est ce que vont apprendre les gendarmes, peu après la parution dans les journaux d'un article faisant état de la découverte d'un corps. Son oncle inquiet de ne pas avoir revu son neveu viendra s'enquérir auprès de la gendarmerie de l'identité du décédé. Il devra reconnaître la victime. Il déclara également que le jeune homme était venu avec une somme d'argent (+ de 100 frcs) que l'on n'avait pas retrouvée sur lui.


Qu'est-il donc arrivé à ce jeune homme en arrivant à BORDEAUX ?

En traversant le champ de foire, le mercredi (27 Octobre) de son arrivée dans la grande ville, il s'était entendu appeler par une ancienne connaissance de JONZAC (Charente Inférieure), une certaine Juliette GARNIER de son âge et du pays avec qui il avait eu une brève histoire amoureuse. Contents de se revoir, ils se sont donnés rendez-vous pour plus tard. Il a prévu plusieurs rencontres et sorties. Celle-ci est imprévue. Elle vient s'ajouter à son programme. Il la reverra le jeudi soir au Cheval Blanc où il restera dormir avec "sa belle".

De nombreux témoins viendront spontanément  raconter qu'ils ont vu un jeune homme accompagné d'une jeune femme qu'il sera aisé aux policiers de retrouver tant elle se montra si peu discrète racontant à qui veut l'entendre qu'elle connaissait bien la victime et qu'elle était avec lui la veille du meurtre. Deux autres jeunes hommes seront signalés présents non loin des lieux du crime "courant comme des désorientés". Là encore, l'enquête déterminera qu'il s'agit d'un certain PASCAL, d'un autre connu sous le patronyme : "le Manchot" : Jean BOUCHAUT et d'un 3ème : Pierre BIROLLEAU, boulanger qui se présentera spontanément aux forces de l'ordre afin de préciser sa position dans cette équipée. Il sera vite écarté mais se présentera au procès comme témoin bien que soupçonné un temps de complicité pour avoir couvert les agissements de PASCAL.

Juliette GARNIER (JEAN dit GARNIER) originaire de LIBOURNE aurait 18 ans passés ; elle connaît la victime pour être amis de longue date, venant de JONZAC ; elle est aussi la maîtresse de PASCAL Jean Baptiste, 24 ans, voleur, débauché, déjà condamné deux fois, reconnu comme dangereux, récemment sorti de la prison de FONTEVRAULT où il vient de passer 15 mois. C'est elle qui a présenté Baptiste MÉRY à PASCAL et BOUCHAUT. Jean Baptiste PASCAL et Jean BOUCHAUT se connaissent pour avoir travaillé chez le boucher BOURQUERIEU, rue Marbotin et à l'abattoir. Ils ne travaillent qu'épisodiquement et n'ont pas de gros moyens financiers. C'est également Juliette qui fera arrêtée Arnaudine FARGE, 22 ans, couturière rue des menuts. Juliette GARNIER ne cessera de mentir et de contester les témoignages qui s'accumuleront contre elle, tout au long des mois que dureront l'enquête et le procès. Sentant que la Police se rapprochait de la vérité, elle avait désigné la Demoiselle FARGE comme étant la personne recherchée, l'amie de la victime. Tout naturellement, cette dernière fut arrêtée avant d'être bientôt relâchée compte tenu de sa non implication dans l'histoire.

Le procès qui se tient en Mai 1876 mettra en avant le crime crapuleux ; Jean Baptiste PASCAL a eu le rôle principal dans le vol et le meurtre du jeune homme ; certains témoins insisteront sur sa brutalité avec les animaux à qui il crevait les yeux quand il était en colère. Il est démontré qu'il a eu un fort ascendant sur ses complices : Jean BOUCHAUT "le Manchot" qui a porté le premier coup à Baptiste MÉRY, et Juliette GARNIER, "fille maudite", pour avoir organisé la rencontre, entravé l'enquête et facilité le départ des deux assassins.

Jean Baptiste PASCAL -déjà condamné deux fois pour vols- nie farouchement durant tout le procès sa participation ; il  hurlera comme une bête en entendant le verdict : condamnation à Mort. On devra le transporter après un malaise

Il sera exécuté le 3 Juillet 1876 à 4 H 50 sans qu'il ne manifeste le moindre geste de révolte.

Il était né le 11 février 1852 à 11 h 30 à Jonzac en Charente Inférieure.


Thème de J.B. PASCAL 11 Février 1852 à 11 h 30 à Jonzac

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Jean BOUCHAUT, le Manchot, sera condamné au bagne et finira ses jours, peu après, à CAYENNE.

Juliette JEAN dite GARNIER, envoyée au bagne  en Nouvelle Calédonie bénéficiera d'une mesure permettant de repeupler l'île ; elle se mariera en février 1878 avec un communard Martin BOULAUD, condamné à 10 ans, bénéficiant d'une concession depuis 1877. La même année, le 20 Novembre 1878, elle accouchera d'une petite Justine BOULAUD. 

Juliette JEAN dit GARNIER décédera le 24 Août 1882, à 25 ans, en Nouvelle Calédonie. Sa fille y aura une descendance.

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L'enquête avait permis de dénoncer les agissements du couple YO de l'auberge du Cheval Blanc où la victime et Juliette GARNIER avait passé la nuit. Ils ont été condamnés pour détournement de mineures, d'incitation à la débauche. En février 1876, ils écopent de 8 mois de prison, 100 frcs d'amende, et frais de Justice solidairement.

Bonne Lecture,

Évelyne LUCAS

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