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Au Sud-Ouest de Pont-sur-Yonne, se trouve le hameau de Vaugouret, où vit la famille DESPIERRE depuis que le père de famille, avec ses deniers propres, comme il se plaît à le dire, a fait l'acquisition d'une petite bâtisse où il vit entouré de sa femme Prudence et ses 3 enfants : Eugène, Alice et Louise.....
En fait quand je vous dis qu'il vit là avec ses enfants et son épouse Prudence ..c'est quelque peu erroné !
D'ailleurs Prudence n'est pas Prudence ; c'est Honorée Prudence SAINTON.
Elle est née à Pont-sur-Yonne le 2 mars 1864 à 2 h du matin dans une grande famille de 9 enfants.
Avant ses 20 ans, elle a épousé Firmin Jean Charles DESPIERRE ; il est né le 30 août 1858 à Brannay à 15 h. sous le signe pointilleux et organisé de la VIERGE, le signe opposé donc possiblement complémentaire du sien.
Honorée Prudence est une jeune femme considérée comme douce, gentille, courageuse, intelligente ; travailleuse, elle et son époux occupent des emplois saisonniers quelque peu précaires. Comme Firmin ne boit pas, il est apprécié pour son efficacité, (VIERGE, SOLEIL trigone PLUTON) son courage mais pas pour son caractère...On le décrit comme peu causant, renfermé voire même sournois.....et particulièrement avare..."d'une avarice difficilement imaginable", dit-on.
Ils n'ont pas quitté Pont-sur-Yonne et au bout de quelques années, Firmin a été en mesure d'acheter une petite maison pour y loger sa famille qui désormais se composait d'Eugène (Léon l'aîné n'ayant pas vécu), Alice née 4 ans plus tard, et enfin la petite Louise qui a hérité de la fragilité de sa mère.
En effet, la santé d'Honorée a été mise a rude épreuve d'autant que son époux lui refuse les soins nécessaires. Ses principes sont clairs : il paie le boulanger, l'épicier et le docteur ; elle doit assumer les frais de boucherie, les achats nécessaires à la confection de vêtements, les médicaments....chaque achat est contrôlé. Et souvent le ton monte ; il est même arrivé que les coups pleuvent sur Prudence.
Firmin est très irritable (SOLEIL carré MARS, MARS-URANUS opposés ; MARS est au demi-carré de celui d'Honorée.)
Dans une telle ambiance, les deux aînés du couple ont vite compris l'intérêt de se chercher un emploi bien rémunéré et de s'éloigner de ce père si peu aimant qui dans ces moments-là, crie à tout va qu'il n'en a que faire de sa femme et des enfants...qu'ils peuvent bien s'en aller.
Eugène a répondu a ses obligations militaires, il occupe un poste d'employé au Bon Marché à PARIS. Il s'y est marié en 1909 ; seule Alice, sa soeur, qui avait trouvé un emploi de domestique dans la capitale, y assista. Sa tante Julie, la soeur aînée de sa mère était là aussi. Ses parents se sont évités les frais de notaire en faisant parvenir leur consentement déposé en Mairie.
Cependant Eugène ayant contracté une fièvre typhoïde a du, sur les conseils de son médecin, revenir se rétablir à la campagne. Au printemps 1910, il s'installe chez ses parents à qui il verse une pension pour couvrir les frais de sa venue. Là, il fut témoin d'une scène qu'il décrira plus tard à la barre du Tribunal : sa mère souffrait d'un abcès, elle devait avoir recours au médecin ; son père s'opposa à la venue du toubib. Le voisin M. CASSEDANNE dut aller le chercher.
Eugène, dès lors, jugea nécessaire de se trouver un logement ailleurs.
Dans le même temps, sa mère consciente du caractère égoïste de celui qu'elle avait épousé, prit des dispositions pour qu'une action en séparation soit intentée.
Depuis 5 ans déjà, Firmin et Prudence faisaient chambre à part.
Ce "fameux" soir, il avait menacé Prudence qui refusait de lui laisser la totalité des revenus de son labeur.
Il s'était montré si violent que la décision de dormir désormais aux côtés de sa petite Louise s'imposait. On apprendra par la suite que Firmin détenait sur un compte la somme de 8 000 frcs d'économie alors que son épouse Prudence n'avait réussi à économiser que 600 frcs sur son livret d'épargne.
Eugène prit donc des dispositions pour louer une petite maison à St SÉROTIN où sa mère travaillait déjà auprès de Mme DUFAUD, la couturière. Lui, y logerait pendant ses congés et sa mère y vivrait au calme avec Louise.
Prudence, préparait son départ.
Elle avait rempli une malle de son linge et de celui de sa fille. La malle avait été déposée chez l'épicière, Mme Marie BARDOT, une amie.
Alors Firmin fit paraître une annonce dans la presse, l'Union de l'Yonne, dans laquelle, il déclarait ne plus répondre désormais des dettes (achats) de son épouse.
Prudence fut vite rassurée par le Juge de Paix qui lui conseilla d'avertir les commerçants que pourvu qu'ils ne lui livrent que le strict nécessaire à l'existence de sa fille et d'elle-même, les notes seraient honorées par son mari -cette insertion dans les journaux ne suffisant pas à exonérer Firmin de ses obligations légales envers sa famille-.
Le Dimanche 10 septembre 1911, Honorée Prudence rendit visite à sa fille Alice à l'Hôtel des Voyageurs. Alice la trouva triste et un peu inquiète. Louise était restée à jouer avec son amie Justine CLERGET ; les deux fillettes aperçurent Firmin entrant dans la maison. Il n'avait pas prêté attention aux deux gamines, pressé qu'il était de vérifier la note que l'épicier lui avait envoyée. Il avait retourné tous les tiroirs des meubles mais n'avait pas pu mettre la main sur le livre de comptes.
Il quitta la maison et se rendit chez sa belle-soeur par alliance, Claire DUCHAT l'épouse de Joseph Honoré SAINTON. Depuis sa "séparation" d'avec son épouse qui refusait désormais d'entretenir son linge, il déposait ses effets personnels chez Claire. Il savait pertinemment que les deux femmes n'entretenaient pas de bons rapports. C'est donc auprès de cette dernière qu'il s'épancha, qu'il répandit son fiel, sa colère....Mais il parlait si fort que sa voisine, Pauline LAFOND entendit quelques bribes de cette conversation :
- C'est au bout, il faut que ça finisse !"
Pauline LAFOND tenta bien d'avertir Prudence d'un danger, elle ne trouva que Louise à qui elle confia la mission d'alerter sa mère...mais Prudence avait pris du retard dans son labeur et dut se rendre chez son voisin M. CASSEDANNE pour la traite des vaches. Elle rejoint son époux pour l'heure du dîner auprès de leurs employeurs ; Firmin ne dit mot. Prudence et Louise rejoignirent la maisonnée après la vaisselle. Elles se dévêtirent et s'apprêtaient à se coucher quand Firmin vint lui réclamer le carnet de comptes. Prudence répondit qu'il était dans le tiroir de l'armoire et qu'elle n'y avait pas touché....Quand Firmin dit à son tour :
- C'est un malheur si je saute sur toi !
Dans le même temps, il lui asséna un grand coup de poing dans l'estomac ce qui fit chuter la mère de famille sur le dos. Firmin saisit son épouse par les cheveux et la traîna à l'extérieur de la maison.
Louise tenta de s'interposer mais elle fut projetée dans le chambranle de la porte. Dans la cour, il se saisit d'une branche de cerisier prise sur le tas de bois et asséna un coup sur la tête de la mère de famille. Couchée sur le ventre, Prudence se plaint de la douleur ressentie. Un second coup puis un autre et encore d'autres mirent fin à ses plaintes sous les yeux de la petite Louise en pleurs, hurlant dans la nuit : "Au Secours".
C'est Mme CLERGET qui l'entendit et qui, devant le corps sans vie de sa voisine, courut chercher M. CASSEDANNE.
Les choses s'enchaînèrent très vite.
Louise fut écartée du spectacle de sa mère qu'elle voulut embrasser ; les gendarmes arrivèrent et firent les premiers constats.
"On aurait dit un forgeron sur son enclume" dirent les témoins pour expliquer la façon dont Firmin DESPIERRE s'acharnait sur sa malheureuse épouse.
On retrouva la trace du meurtrier chez sa mère à BRANNAY en compagnie de son frère : Narcisse et de son neveu. Il s'était changé, avait déposé ses vêtements souillés de sang chez sa "blanchisseuse"... Claire SAINTON. C'est affalé dans un fauteuil que les gendarmes le cueillirent.
Le procès se tint quelques mois plus tard ; le jury essentiellement masculin lui trouva des circonstances atténuantes.
C'est sur le "Loire" qu'il partit effectuer sa peine de 12 ans de Travaux Forcés en GUYANE.
Il bénéficia d'une année de remise accordée par le Président de la République...mais cela ne suffit pas à le faire revenir. Il décéda sur les îles du Salut en 1922, le 12 mars.
Bonne Lecture,
isalucy23@orange.fr
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