BONJOUR,
le 16 août 1870, tout commence par une rumeur, ....quelques mots que l'on prétend avoir entendus,...
une fausse rumeur.....pour devenir un mensonge...
mensonge vite relayé par des paysans enivrés, batailleurs,
des travailleurs pourtant, forgeron, maréchal ferrant, cultivateur, ...qui vont rapidement se transformer en bagarreurs excités, violents,
se mutant en êtres sanguinaires, en véritables monstres, en meurtriers....
Ce lendemain de Sainte Marie, à Hautefaye, il fait chaud et la foire a attiré du monde ; on y a croisé le fils du maire : Camille De MAILLARD, âgé de 26 ans ; il a appris en lisant les dépêches que la France qui est en guerre depuis un mois avec la Prusse, vient d'encaisser un revers et pourrait peut-être être forcée de reculer....
Les esprits échauffés qui l'entourent n'apprécient pas ce commentaire et le prennent alors à partie. On l'accuse de colporter de fausses informations ; on ne lui laisse pas le temps de s'expliquer, de s'excuser ou de se justifier...On ne veut rien entendre de sa part...
D'ailleurs n'a-t-il pas crié : Vive la République !....Oui, c'est sûr on l'a bien entendu...
François MAZIÈRE dit "Silloux", métayer de 29 ans, se le ferait bien ce Comte....
Camille De MAILLARD ainsi pris à parti réussit à s'extraire de la foule et à quitter la foire.
Au début de l'après-midi, les paysans n'ont pas quitté la foire, ils boivent la piquette, le vin de noah, le pineau et l'absinthe ; les esprits s'échauffent encore et encore d'autant que les affaires ne sont pas aussi bonnes cette année.
Jean Romuald Alin de MONEYS d'ORDIÈRES, un cousin par alliance du côté maternel de Camille De MAILLARD, gérant des terres du Château de Bretange à BEAUSSAC, et également membre du Conseil Municipal, s'en vient à son tour vers 14 h 30 ; à son approche, des paysans armés de bâton lui relatent la discussion animée du matin.
Alain de MONEYS refuse de croire les propos que l'on prête à son cousin. Il cherche à comprendre...Il questionne et reste dubitatif. Son cousin n'a pu avoir de tels propos...Les paysans, de plus en plus nombreux, se sont mêlés à la discussion, regroupés autour du jeune homme que l'on commence à bousculer.
D'ailleurs lui-même n'a-t-il pas crié : "Vive la République !"
OUI c'est vrai, c'est un Prussien, un traître !
Alors, on pousse, on bouscule encore, on le chahute, on l'insulte, on menace, ...
Jean et Étienne CAMPOT de Mainzac vont être les premiers à porter un coup...
Et tout va déraper...Tout s'enflamme. Tout va dégénérer très vite.
Le curé présent sur les lieux s'est bien rendu compte qu'une bagarre allait débuter. Il s'est muni d'une arme et tire un premier coup de feu. La foule est dense et l'abbé bientôt pris à parti lui aussi se réfugie dans le presbytère. Revenant sur ses pas, il propose d'offrir un verre à la santé de l'Empereur. Certains suivront Monsieur le Curé.
Georges MATHIEU, neveu du maire, et Philippe DUBOIS vont tenter à leur tour d'extraire Alain De MONEYS de la foule des paysans excités. Le maire, Bernard MATHIEU, lui, ne semble pas favorable à cette irruption chez lui. Il craint qu'on ne détruise son intérieur. De plus, il oublie son rôle de pacificateur et ne tente rien pour calmer sa population.
Le maréchal-ferrant, François CHAMBORT, 33 ans, originaire de Charente, profitant de ce laxisme, a pris la tête du groupe d'excités prêts à pendre "le Prussien" à un arbre ; voilà que François MAZIÈRE et Pierre BUISSON dit Lirou, réchauffés par les boissons offertes par M. le curé, réclament la mort de ce traître.
La tentative de pendaison échoue...les branches trop fragiles ont cédé.
François CHAMBORT réclame qu'on le fasse souffrir avant de le faire périr. On le traîne dans le local du maréchal-ferrant, on l'attache avec des sangles ; les coups de sabots et de bâton pleuvent ; on le frappe au visage, aux jambes.
Alertés par les cris, Pascal, le jeune serviteur du Château, tente de venir en aide à Alain de MONEYS que les assaillants ont abandonné un moment. Mais, il doit fuir à l'arrivée des paysans rendus fous de colère. François LÉONARD, chiffonnier de 53 ans, assène un coup à la tête du prisonnier, avec sa balance à crochet.
Le maire, sans doute honteux de son attitude, prête main forte à ceux qui tentent de venir en aide au prisonnier. Ils réussissent à l'extraire des lieux et à le mettre en protection dans l'étable à moutons.
Alain De MONEYS se croit sauvé. On lui soigne la blessure à la tête. Il propose d'offrir une barrique de vin aux paysans.....
Mais il n'a pas compris que la rage qui a saisi le groupe d'hommes n'est pas retombée.
La porte de l'étable cède bientôt sous la pression. Les CAMPOT entraînent l'homme blessé et filent vers le centre de la foire.
Philippe DUBOIS réussit à extraire une nouvelle fois, la victime des mains des brutes ; il tente de le faire entrer dans l'auberge mais le maître des lieux lui ferme la porte sur la jambe. De MONEYS s'écroule sous la douleur. On le croit mort.
Contre toute attente, De MONEYS se relève, se dirige vers une grange dans laquelle il trouve un pieu dont il se saisit pour se protéger de CAMPOT qui n'a guère de mal à le désarmer tant ses forces sont faibles. Il se réfugie sous une charrette d'où on l'extirpe ; Lirou qui s'est emparé du pieu en inflige un coup dans la nuque de l'homme à terre. Le croyant mort la foule s'acharne à coup de sabots ou de fourche. MAZIÈRE et Jean CAMPOT, prenant chacun une jambe du moribond, le traînent ainsi à travers les rues en direction d' une mare desséchée où on le dépose sans plus de considération.
Des branchages, du foin, de la paille, des fagots sont entassés sur le corps qui semble encore bouger ; DUBOIS tentera encore d'extirper la victime mais les paysans haineux le prennent en chasse et le forcent à s'éloigner.
CHAMBORT réclame des allumettes et les ayant obtenues demande à des enfants de mettre le feu à l'ensemble. Autour du bûcher, on hurle des Vivats.
Il est 16 h. C'est du moins l'heure qui sera inscrite sur l'acte de décès de Jean Romuald Alin de MONEYS D'ORDIÈRES.
L'autopsie pratiquée le soir même tend à prouver que l'homme était encore vivant au moment de la mise à feu....même si l'ensemble de toutes ces blessures aurait immanquablement entraîné la mort.
Mais les choses n'en restent pas là.
Les protagonistes se flattent de leurs actes. Ils sont persuadés que l'Empereur Napoléon III les félicitera et les récompensera de ce lynchage.
De leur côté, les châtelains des alentours s'empressent de créer des groupes de défense dans le cas d'une nouvelle attaque paysanne.
L'affaire relatée dans la Presse : un homme brûlé au milieu d'une population qui ne manifeste pas sa désapprobation, son horreur...! des Cannibales ! des sauvages ! Le tout remonte jusqu'au Gouvernement.
10 jours après les faits, les sanctions tombent : Monsieur le Maire est destitué en public par le Préfet de Dordogne. Élie MONDOUT, conseiller municipal, provisoirement, le remplacera.
Le projet de rayer de la carte le village de Hautefaye est même envisagé. Les émeutiers n'étant pas tous du village, la décision est abandonnée.
Les gendarmes de NONTRON chargés de l'enquête tant sur les lieux qu'aux alentours, vont procéder aux premières arrestations. Une cinquantaine de personnes sont interpellées et présentées devant le Juge. Le procureur de BORDEAUX se charge d'instruire l'affaire.
L'homme politique et journaliste, François Alcide DUSOLIER, fait publier la liste des 21 protagonistes, inculpés ; ceci afin de dissiper la rumeur d'amnistie qui se propage.
Ils comparaissent tous ainsi que M. le maire (à qui l'on reproche son manque de courage et sa non-assistance à personne en danger) devant le Tribunal avant Noël de la même année.
Des peines capitales sont décrétées pour 4 d'entre eux, des peines de bagne allant de 8 ans à perpétuité tombent également. Les peines plus légères de prison sont prises en fonction de la participation de chacun des prévenus. Le plus jeune écopera d'une peine plus légère : la maison de correction jusqu'à ses 20 ans.
La guillotine est montée à proximité du lieu même du lynchage, le 6 février 1871, à Hautefaye.
Le chiffonnier, François LÉONARD, originaire de Lussas, réclamera à manger avant son exécution. Il sera le premier dont la tête tombera.
Suivra, Pierre BUISSON, responsable du coup à la nuque.
François MAZIÈRE, le métayer, sera exécuté en 3ème position.
Le meneur, François CHAMBORT, maréchal ferrant, sera le dernier à être exécuté, ce matin-là.
Jean Jeune CAMPOT (20 ans passés) qui a bénéficié d'une erreur du Jury, est envoyé au bagne pour perpétuité. Malgré diverses demandes de remise de peine, il décédera là-bas en Septembre 1916.
Son frère Étienne, y effectuera 8 années.
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La mère de la victime, Magdelaine Louise De CONAN, épouse DE MONEYS meurt avant le procès (31 octobre 1870)
Les parents de Camille De MAILLARD, son cousin, meurent peu après. La mère de celui-ci, Marie Louise Camille De VAREILLES avant de connaître le jugement le 5 décembre 1870. Son père, Jean De MAILLARD, le 13 mars 1871, un mois après les exécutions. Camille s'éloignera des lieux en épousant Marie ROLIN à Razac, en 1871.
Le maire Bernard MATHIEU décédera à Périgueux peu après les exécutions.
Bonne Lecture,
isalucy23@orange.fr
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